Rétrosaure : Donkey Kong Country (SNES)

Pendant toute mon enfance – et même bien après, inutile de le nier – la vision de Donkey Kong Country sur Super Nintendo a provoqué en moi des remous de nostalgie absolument étonnants. En effet, si le souvenir de cette époque me traverse encore l’esprit, je n’ai pourtant jamais eu en ma possession ladite console ni ladite cartouche.

Ce n’est que près de 20 ans après la sortie du jeu que j’ai pu rejoindre le club des heureux joueurs de Donkey Kong Country dans sa console d’origine. Le plaisir d’enficher la cartouche, de prendre la manette en main. Mais pourquoi ce jeu semble t-il aussi incroyable à mes yeux, et aux yeux de l’Histoire même du jeu vidéo ?

 

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Retournons dans le passé. Nous sommes en 1994 et Nintendo, accompagné de son studio britannique Rareware, décide de faire revenir sur le devant de la scène son personnage simiesque Donkey Kong, qui n’avait pas vraiment eu le beau rôle depuis – tantôt méchant dans Donkey Kong sur NES et en Arcade, tantôt avec un fils pilote de kart dans Super Mario Kart. A l’heure où tous les personnages à forte corpulence sont cantonnés au rang de méchants, on peut dire que le jeu est attendu au tournant. D’autant que dès sa présentation au CES de Chicago en 1994, tout le monde est estomaqué par le rendu du jeu. Alors que l’on parle déjà des prochaines consoles de salon de Sega et Nintendo, le rendu sublime proposé par la console peine à convaincre les visiteurs qui pensent que le jeu tourne sur l’Ultra 64, nom de code de la Nintendo 64.

Mais il n’en est rien. Le jeu tourne bien sur l’antique Super Nintendo, et est le fruit d’une technologie d’avant-garde du début des années 90 : le contenu pré-rendu digitalisé. Rareware a en effet utilisé des stations Silicon Graphics afin de créer des modèles et animations 3D de haute qualité, avant de les transformer en sprites 2D si bien qu’en mouvement, ou même à l’arrêt, le sentiment de relief des personnages ou des décors est tout simplement bluffant ! Cette technique sera réutilisée pour les deux autres épisodes de la série sur Super Nintendo ainsi que pour le jeu de combat Killer Instinct, du même développeur.

 Si l’aspect graphique du jeu est bien entendu ce qui a marqué tout d’abord les esprits, il en va de même pour la bande-son absolument incroyable du titre. C’est bien simple, les musiques étaient tellement incroyables que le jeu est sorti avec le CD de la bande originale (CD également distribué avec les versions Game Boy de Donkey Kong Land). On les doit à 3 compositeurs (David Wise, Robin Beanland et Eveline Fischer) qui ont réussi à créer des thèmes absolument transcendants, tantôt calmes et planants, ou rythmés et dynamiques. Il suffit d’écouter Aquatic Ambiance, le thème des niveaux aquatiques, pour être happé par la mélodie et l’atmosphère qui se dégage de tout cela.

Tout cela tenant dans une cartouche de 16 Mo.

 

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Donkey Kong Country relate donc de l’amère histoire que subit Donkey Kong. Tranquillement installé sur son île, le voilà dépossédé de ses bananes par l’infâme King K. Rool, terrible crocodile visiblement friand de ces savoureux fruits jaunes. Voulant récupérer son bien, DK embarque donc son acolyte Diddy Kong (dont l’affiliation est plus ou moins floue) à travers toute l’île et ses 34 niveaux. Au cours de ces niveaux, il s’agit tout simplement de se rendre d’un point A à un point B comme dans tout jeu de plate-forme classique. Ce n’est qu’à de rares endroits que le jeu prend soit de la verticalité avec les niveaux aquatiques, soit un gameplay plus simpliste avec les fameux niveaux du train de la mine.

Car les bananes de DK sont bien gardées ! Crocodiles de toutes sortes, plus ou moins musclés, s’allient avec des taupes, des abeilles, et même des palourdes pour empêcher le joueur de se rendre à la fin de chaque niveau. Leurs claquement de dents me hantent encore.

Le gameplay est on ne peut plus simple. Par défaut, le joueur est donc aux commandes de Donkey Kong, suivi par Diddy Kong juste derrière. Les deux peuvent interchanger leur position, le joueur prenant le contrôle du personnage à l’avant. Ce n’est pas par hasard si les deux personnages restent à l’écran : outre leur différence en terme de maniabilité (DK est lourd et puissant, Diddy est léger et rapide), il permet au jeu de proposer un mode deux joueurs pas piqué des hannetons. En mode solo, il suffit d’une pression sur un bouton pour passer de l’un à l’autre. Ce système permet également de camoufler un système de barre de vie : chaque fois qu’un des deux singes est touché, c’est le suivant qui prend le relais, jusqu’à sa mort. Il convient donc de récupérer au maximum, lorsque l’on a perdu son partenaire, les tonneaux estampillés d’un DK rouge disséminés dans les niveaux, qui renferment le précieux personnage. Il existe également des caisses abritant des personnages secondaires, comme Rambi le rhinocéros ou Expresso l’autruche, qui une fois chevauchés proposent une maniabilité un peu alternative.

Les tonneaux sont d’ailleurs un réel élément de gameplay : hormis leur fonction sus-citée, ils sont utilisés partout dans les niveaux. Qu’ils soient pleins de TNT pour faire exploser des adversaires ou des parois cachées, ou en métal pour rouler sur les méchants, il s’agit de l’objet fétiche du jeu. C’est également un moyen de transport : à de très nombreuses reprises, le duo fantastique sera contraint pour avancer de se mettre dans ces tonneaux  et de les utiliser comme canons, tantôt manuels, tantôt automatiques. En résultent des niveaux parfois tendus au cours desquels il faut avoir un timing parfait afin d’éviter de rater un précieux tonneau et sombrer dans les limbes, avant de reprendre depuis le checkpoint de mi-niveau.

 

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Car Donkey Kong Country n’est pas un jeu facile. Si les premiers niveaux s’enchaînent sans sourciller, la progression devient rapidement ardue, pour ne pas dire carrément coriace, la faute à un système particulièrement intransigeant obligeant soit à revenir au début du niveau, soit au checkpoint se situant vers le milieu. Le joueur n’est pas non plus aidé par des contrôles un poil trop rigides, qui sont parfois synonymes de chutes inattendues. Le Game Over ramenant bien entendu à la dernière sauvegarde, qui ne se fait qu’une fois par monde.

D’autant qu’il n’y a pas que finir les niveaux qui importe, à vrai dire, il s’agit de la couche supérieure du jeu. En effet il convient de terminer à 101% (et pas un de plus) le titre afin d’en savourer les délices : en dehors de quatre lettres K-O-N-G à récolter dans chaque niveau, il existe une myriade de secrets et de zones fourbement dissimulées qui sont parfois vraiment bien cachées.


Dire que Donkey Kong Country est mon jeu préféré de l’ère des 16-bits ne serait pas mentir. Aussi étonnant que cela puisse paraître, sans même ne l’avoir jamais eu à l’époque de sa sortie. Pour avoir approché ses deux suites, je ne leur trouve pas le même attrait. Réutilisation des assets, nouveaux personnages redondants et peu charismatiques (trop de singes grimés en grand-mères, costards, grenouillères, contrairement aux savoureux Cranky et Funky Kong), et un aspect graphique me semblant en retrait : là où le premier épisode arrivait à créer un univers cohérent en terme de couleurs et d’éléments, les deux suites mélangent trop de couleurs improbables avec un rendu digne des plus médiocres rendus 3D du milieu des années 90. Là où Donkey Kong Country premier du nom excelle, c’est dans la mise en scène graphique et musicale au dessus de tout standard de l’époque, témoignant que Rareware était réellement un studio majeur de l’industrie, créant une franchise intemporelle sur une machine qui l’est tout autant.

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